La langue du pic vert, ROMAN

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La langue du pic vert, ROMAN


La langue du pic vert (éditions La Déviation)
Paru le 24 août 2021.
288 pages - 20 euros
9791096373376
Diffusion CED - Distribution Pollen

Cronce, le village où Denis Langlois et moi, avons vécu pendant plus de dix ans, et auquel j’ai déjà consacré deux recueils de poésie, tient une place importante dans ce livre.
La première phrase du roman a été inspirée par une visite faite à la Maison des oiseaux et de la nature du Haut-Allier de Lavoûte-Chilhac.

 "Livres Hebdo" a distingué mon premier roman dans son numéro spécial Rentrée littéraire.

La première phrase du livre : "Le pic vert enroule sa langue autour de son cerveau pour le protéger contre les trépidations quand il fore les arbres" est en effet considérée comme l’une des trois meilleures premières phrases, parmi les premiers romans de cette rentrée 2021.

 La langue du pic vert est dédié à ceux dont le rêve est appelé folie. "Sous la plume de Chantal Dupuy-Dunier, tout fait signe". Les quatre premiers chapitres sont visibles dès maintenant dans les bonnes feuilles d’Actualitté.com

"PUBLIÉ LE :

09/07/2021 à 09:00

La rédaction

ActuaLitté https://actualitte.com/article/101327/avant-parutions/la-langue-du-pic-vert-de-chantall-dupuy-dunier-de-vos-folies-faites-vos-reves

Il y a la mère, morte en mettant Sylvain au monde, le père atteint d’Alzheimer, mais aussi Stanislav, l’ami arménien, une jeune fille aux yeux de pluie, un apnéiste, un boulier chinois, une grenouille cendrier, un précis d’ornithologie, des ouvrages sur l’ésotérisme hindou, une ville du Sud, un village d’Auvergne, une grue de chantier et un pic vert, des pics verts…

Magie des mots, richesse des images, histoire émouvante et personnages attachants, au service d’un sujet universel : comment faire face à l’angoisse de la mort ?

Les éditions La déviation et ActuaLitté vous proposent d’en découvrir les premières pages, en attendant sa parution le 24 août prochain :

Chantal Dupuy-Dunier, née à Arles en 1949, vit en Auvergne. Elle a travaillé comme psychologue en hôpital psychiatrique. Elle a publié une trentaine d’ouvrages parmi lesquels Mille grues de papier (Flammarion), Un n’oiseau, des z’oiseaux (Motus), Creusement de Cronce (Voix d’encre). Elle a reçu le Prix Artaud pour Initiales (Voix d’encre).

Sa poésie aborde frontalement les questions existentielles, la vie, la mort, le temps. Les oiseaux et le village auvergnat de Cronce en sont des motifs récurrents que l’on retrouve dans ce premier roman.

Créée en 2017 par Michel Lebailly, ancien libraire, La Déviation est une maison d’édition installée dans la Creuse. Portée par l’amour de la littérature et des livres, elle a publié une trentaine de titres."

Dossier - Romans de la rentrée littéraire 2021 : parcourir les bonnes feuilles sur le site.

 Présentation lors de la rentrée littéraire en Auvergne-Rhône-Alpes, au Théâtre nouvelle génération de Lyons, le 6 septembre 2021. Journaliste littéraire : Danielle Maurel.

 

 Sur le blog de Philippe POISSON :

Blog de liaison avec "Culture et Justice". Destiné à publier principalement les portraits du jour des écrivains, historiens, artistes, etc. Culture et justice rassemble des informations relatives à l’actualité culturelle sur les questions de justice. Histoires, romans, portraits du jour, salon de livres... Page indépendante sans but lucratif administrée par Philippe Poisson et Camille Lazare, membres de l’association Criminocorpus

La langue du pic vert de CHANTAL DUPUY-DUNIER
12 Juillet 2021

La langue du pic vert : un début remarqué

Livres Hebdo a distingué le roman de Chantal Dupuy-Dunier dans son numéro spécial Rentrée littéraire.

La première phrase du livre : "Le pic vert enroule sa langue autour de son cerveau pour le protéger contre les trépidations quand il fore les arbres" est en effet considérée comme l’une des trois meilleures premières phrases, parmi les premiers romans de cette rentrée 2021 :

Il serait dommage d’en rester là. Voici par exemple les premières phrases du chapitre 2 :

"S’appeler Sylvain Breuil n’est pas sans risque. La double étymologie sylvestre - en vieux français breuil signifie bois - récèle bien des dangers. On passe facilement de forêt à foré."

Avec La langue du pic vert la poétesse Chantal Dupuy-Dunier, publie un premier roman magistral, Elle manie en virtuose le jeu du langage dans un récit mystérieux sur un sujet universel : comment faire face à l’angoisse de la mort ?

La langue du pic vert est dédié à ceux dont le rêve est appelé folie. Sous la plume de Chantal Dupuy-Dunier "tout fait signe". Les premiers chapitres sont visibles dès maintenant dans les bonnes feuilles d’Actualitté.com.

PORTRAIT : Bienvenue Chantal sur le très prisé et discret Culture et justice :

"L’exercice du portrait commence en général par « Je suis né(e) à…

Or ce Je proviens d’une histoire familiale préexistante ; il est une ramille d’un arbre généalogique, le mélange de plusieurs terres d’origine et le produit d’un vaste inconscient collectif.

J’ai été conçue, au milieu du siècle dernier, un soir de carnaval à Aix-en-Provence, par un jeune étudiant des « Arts et métiers » et une lycéenne qui allait passer son baccalauréat. Ma mère avait coutume de dire que j’avais eu deux fois le bac, une fois dans son ventre et plus tard de façon autonome, bac littéraire dans les deux cas. Elle venait d’une modeste famille paysanne bourguignonne, d’une terre brune et lourde qui convient aux vignes. Mon père était né à Bonnieux dans une ferme sans eau courante et au confort rudimentaire. Sur cette terre ocre du Midi poussaient aussi des vignes, dont le vin est moins côté que les grands Bourgognes, mais qui ne démérite pas cependant.

J’ai manifesté, dès mon arrivée dans ce monde, des penchants criminels et cannibales. Ma mère faillit mourir en couches d’une grave hémorragie. Elle prenait plaisir à raconter comment le docteur et mon père l’avait sauvée grâce à des transfusions de sang « en direct », leurs groupes sanguins étant compatibles avec le sien : « Le docteur a planté l’aiguille dans son bras et dans celui de ton père ». On avait trouvé à mes côtés un petit amas de poils, ce qui s’est traduit dans le fantasme maternel par : « Ma grosse Chantal a mangé l’autre », un supposé jumeau, de sexe masculin, qu’elle aurait prénommé Christian (« Prenez et mangez, ceci est mon corps… », le prénom pressenti m’incitait à la consommation de mon frère) si je ne l’avais dévoré in utero. N’ayant jamais eu l’occasion de faire naufrage, je n’ai goûté pour l’instant à aucun de mes congénères, et, bien qu’ayant parfois l’envie d’en tuer certains, je n’ai jamais cédé à la tentation, pas pour obéir aux commandements de Dieu, auquel je ne crois pas, mais par peur, je l’avoue, d’une lourde peine de prison. Denis Langlois, mon mari, qui a passé sept mois à Fresnes dans sa jeunesse, bien avant notre rencontre, en conserve, lui, un souvenir ému. Il n’a tué personne, mais était détenu pour insoumission au service militaire : « Je menais un combat. Et c’est là que j’ai écrit mon premier livre. »

Mais revenons au nouveau-né affamé que je fus. C’est en Arles que se passa ma dramatique naissance, « Dans Arles où sont les Alyscamps, quand l’ombre est rouge, sous les roses… » (Paul-Jean Toulet). Il n’y avait sans doute plus de rosier fleuri fin novembre, cependant mes premières promenades dans le landau anglais poussé par ma grand-mère (ma mère avait dû rester quelque temps hospitalisée), eurent lieu aux Alyscamps au milieu des tombeaux. La clinique, qui s’appelait « Le Nid », est devenue l’ « Hôtel du Cloître », haut lieu de pèlerinage pour de nombreux adultes ayant poussé là leur premier cri. J’en ai fait un à l’âge de quinze ans. L’hôtel était tenu par l’ancienne sage-femme. Elle ne m’a pas reconnue.

Si je vous raconte mon enfance, vous croirez que je l’ai inventée à la manière d’un roman. Mon père, devenu ingénieur, n’eut que le temps de bâtir un simple portique dans une cour d’école arlésienne avant de trouver un poste à Unieux dans une usine qui fabriquait des aimants. Nous étions logés dans les anciennes écuries du château où habitait le directeur. Le logement était des plus sommaires, mais situé au milieu d’un vaste parc, terrain de jeux idéal : un château, une ferme, des prés, des bois. Depuis, j’ai toujours recherché la proximité d’un parc. Il y en a un petit en face de notre appartement, avec des frênes, un figuier, des érables, des pins, des oiseaux, des écureuils et une petite rivière.

Ne voulant pas être cataloguée comme fille d’ingénieur ayant un statut différent, je demandais à rester à l’étude avec les enfants d’ouvriers dont les mères venaient les chercher à la sortie du travail. A l’âge de huit ans, ce fut ma première contribution à la lutte des classes.

Il fallut, hélas, quitter ce lieu pour Puy-Guillaume et sa verrerie. Villa de fonction, avec jardin et jardinier. Dans ce contexte, il allait être plus difficile d’affirmer ma solidarité de classes. Le hasard ou le destin (à votre choix) s’en mêla. Mon père, né un 21 janvier, perdit la tête à l’image du roi Louis XVI. Depuis des mois déjà, il était sujet à d’importantes variations d’humeur et à des interprétations délirantes. Un psychiatre diagnostiqua une « psychose maniaco-dépressive » (de nos jours, on parle de « troubles bipolaires », peu importe l’étiquette, seule compte la souffrance). Il dut arrêter son travail à l’usine et être hospitalisé à Lyon. Je ne l’ai pas revu pendant trois ans. Chaque semaine, je lui écrivais une lettre qui demeurait sans réponse. Il m’a dit plus tard qu’ « il avait honte ». C’est sûrement pour cela que j’écris à des lecteurs des équivalents de lettres sans réponse, poèmes ou récemment roman.

Il fallut quitter la villa de fonction et le village. Nous nous retrouvâmes à Vichy dans un petit appartement, où je partageais une chambre avec ma sœur et mes frères. Mais l’immeuble était proche des parcs. Ma mère, femme volontaire, apprit à conduire et trouva un emploi de surveillante dans le « lycée des Célestins » où je faisais mes études, ce qui ne présentait aucun avantage pour moi, les professeurs la tenant directement au courant du moindre écart que je faisais. C’était avant 68 et un petit manquement au règlement de l’établissement donnait lieu à des punitions exagérées. Je prenais la défense de mes camarades quand elles me semblaient injustement punies, ce qui me valut de l’être aussi et de me voir conseiller la profession d’avocate. Je n’ai pas suivi le conseil, mais suis devenue par la suite déléguée syndicale et ai pratiqué le droit du travail pour la défense des salariés.

J’ai exercé pendant quarante ans la profession de psychologue dans le grand hôpital psychiatrique de Clermont-Ferrand. Symboliquement je soignais mon père… Séparé de ma mère, il était d’abord retourné vivre dans le Midi auprès de ma grand-mère. Grâce à un nouveau traitement par le lithium, il a pu vivre de façon dite « normale », avec une compagne. Depuis six ans, il repose dans le beau cimetière de Bonnieux, sous les cèdres.

À l’école primaire, dès le cours préparatoire, j’avais découvert la poésie, cette langue différente du langage prosaïque ordinaire, qui faisait de la musique avec les mots. Il y avait Hugo, Musset, Leconte de Lisle et tant d’autres. Un véritable coup de foudre. Ce qui m’a sans doute permis d’affronter le chaos familial de mon enfance. Je serais poète. Je m’essayais à écrire. Cela ne valait pas grand-chose, mais il faut un début à tout. Au lycée, je découvrais d’autres poètes dont, à mes yeux, le plus grand : Baudelaire. Si quelqu’un avait pu écrire « Une charogne », cela signifiait que la poésie avait le pouvoir de tout dire et moi, j’avais justement tant à exprimer.

Par contre, on ne m’avait enseigné que la poésie classique. C’est plus tard que j’ai lu nombre de poètes contemporains, découvert les vers libres et commencé à être publiée. Mon premier recueil, paru à « La Bartavelle », s’appelait « La Contrebandière des Sorgues, ou la mémoire de l’eau ». Il y en a eu une trentaine depuis. En 2000, « Initiales » (Voix d’encre éd.) m’a valu le Prix Artaud. J’ai publié deux gros ouvrages dans la collection poésie des éditions Flammarion : « Éphéméride », 366 poèmes, et « Mille grues de papier », inspiré par l’histoire de la petite japonaise Sadako Sasaki. J’ai eu différents éditeurs. Actuellement, je travaille surtout avec Germain Roesz des « Lieux-Dits » et Jean Le Boël des éditions Henry. Mes derniers recueils publiés chez ce dernier sont « C’est où Poezi ? », « Ferroviaires » et « Les Compagnons du radeau », ou l’humanité entière embarquée sur le même esquif.

Les thèmes majeurs se retrouvent dans ma poésie : l’amour, la nature, la vie, la mort. Invitée au Sénégal, on m’avait surnommée « la poétesse du grand sommeil ». Ma vie n’a jamais été un long fleuve tranquille. La poésie m’a toujours aidée à en suivre le cours tumultueux. Pendant onze ans, moi qui étais une citadine, je me suis retrouvée à vivre à Cronce, presque un hameau, dans la demi-montagne auvergnate, au fin fond de la Haute-Loire, pour y rejoindre Denis, qui s’y était installé. Nous avons vécu dans une vieille ferme loin des divertissements et de la société de consommation. Une vraie résidence d’écriture. Cronce a pris une place très importante dans mes écrits. De réelle, Cronce est devenue pour moi mythique. Il y a eu « Creusement de Cronce » (Voix d’encre), « Pluie et neige sur Cronce Miracle » (Les Lieux-Dits). Un troisième recueil viendra clore le triptyque en juin 2022 : « Cronce en corps ». Ces trois ouvrages, comme d’autres, sont accompagnés par des œuvres de mon amie, l’artiste Michèle Dadolle. Je parle aussi de Cronce dans « Éphéméride » (Flammarion), « Des ailes » (Voix d’encre), « Un n’oiseau, des z’oiseaux » (Motus). On peut lire la présentation de tous mes livres publiés, des extraits, des chroniques, écouter des lectures publiques sur ce site :

Cronce ne pouvait que faire retour dans mon premier roman « La langue du pic vert » (éd. La Déviation), paru en août 2021. Au lycée, chaque jeudi (jour de repos des écoliers dans ce temps lointain) j’investissais mon argent de poche dans un roman, de poche lui aussi. J’avais résolu de lire tous ceux du catalogue en procédant par ordre alphabétique, ce qui explique que, si j’ai lu Marcel Aymé et presque tout Camus, j’ai des lacunes concernant Zola, n’étant pas parvenue au bout de l’entreprise. Semaine après semaine, je découvrais des univers différents, des écritures envoûtantes. Bien sûr, j’ai lu depuis d’autres écrivains de la fin de l’alphabet ou qui ne sont pas publiés « en poche ». J’aime George Sand, Maupassant, Colette, Flaubert… J’ai lu « Madame Bovary » en cachette dans le grenier de ma grand-mère à l’âge de onze ans. L’aspect défendu de cette lecture exerçait un attrait sur moi. J’ai découvert avec admiration Yves Navarre, Gabrielle Wittkop, Romain Garry et tant d’autres.

Pourquoi écrire un roman ? Je ne pouvais traiter le sujet qui me l’a inspiré par l’écriture poétique. J’avais entendu le guide de la Maison des oiseaux de Lavoûte-Chilhac prononcer cette phrase sidérante : « Le pic vert enroule sa langue autour de son cerveau pour le protéger contre les trépidations quand il fore les arbres ». Ainsi est née l’histoire de Sylvain Breuil, celle d’une folie, qui, pour lui, est une quête vitale. Il y a la mère, morte en couches, le père atteint d’Alzheimer, l’oncle Roger et la tante Irène, Stanislav, l’ami arménien fidèle, une jeune fille « aux yeux de pluie », un apnéiste, un précis d’ornithologie, des ouvrages sur l’ésotérisme hindou, un cendrier-grenouille, un boulier chinois, une petite ville du Sud, un petit village d’Auvergne, une grue de chantier et un pic vert, des pics verts… Sylvain pense pouvoir s’approprier la protection de l’oiseau afin de se prémunir contre les agressions de la vie, les maladies et la mort. Le jeune homme est fasciné et obsédé par les pics verts. Il fragmente ses phrases pour adopter un rythme similaire à leur martelage.

Toute ma vie, j’ai côtoyé la folie, celle de mon père, celle de mes patients. Pour moi, elle était une autre norme, mon quotidien. Rien d’étonnant à qu’elle se retrouve au centre de ce premier roman, plein d’autoréférences dissimulées ou pas (ma naissance, mon père, les grues, Cronce…) J’ai eu envie que le lecteur puisse aimer Sylvain comme il est, s’attacher à lui malgré sa différence.

On peut également voir dans ce livre une grande allégorie de la poésie, qui amortit, grâce à sa langue singulière et rythmée, les chocs de la vie et permet au poète comme au lecteur d’entrevoir un idéal."

A propos du site : Musée - Histoire de la justice, des crimes et des peines | Criminocorpus propose le premier musée nativement numérique dédié à l’histoire de la justice, des crimes et des peines. Ce musée produit ou accueille des expositions thématiques et des visites de lieux de justice. Ses collections rassemblent une sélection de documents et d’objets constituant des sources particulièrement rares ou peu accessibles pour l’histoire de la justice."

Relecture et mise en page Ph.P et S.P.

 Par JEAN-PAUL GAVARD-PERRET, cette chronique parue le 11 juillet sur lelitteraire.com

Chantal Dupuy-Dunier, La langue du pic vert (Rentrée littéraire 2021)

http://www.lelitteraire.com/?p=72406&fbclid=IwAR1hspkcH69ibN-WX9_qRltmbWeRB4y1pFHlBFEhzLxAZxcxn7cfqb5pP98

Etre

C’est à par­tir d’une phrase d’un guide de musée : “Le pic vert enroule sa langue autour de son cer­veau pour la pro­té­ger contre les tré­pi­da­tions quand il fore” que Chan­tal Dupuy-Dunier a trouvé son illu­mi­na­tion pour ce roman.
Il devient le point de départ d’une recherche de l’invulnérabilité et de l’immortalité.

Tout pour­tant n’est pas simple dans ce qui se veut un rêve qui appelle d’autres folies au sein de celles des hommes, ces “oiseaux de pas­sage” selon la for­mule de Sha­kes­peare que l’auteur cite en inci­pit.
A par­tir de là, tout un monde baroque s’anime entre des parents dis­pa­rus d’une manière ou d’une autre, une jeune femme “aux yeux de pluie”, un cen­drier gre­nouille que l’on trou­vait sou­vent jadis dans les bars, un vil­lage d’Auvergne et bien d’autres élé­ments sans oublier les pics verts.

Ce livre sai­sit par son mys­tère et sa langue qui se veut accom­plis­se­ment d’une chan­son de geste sal­va­trice là où l’extérieur et l’intérieur se mêlent en un conglo­mé­rat qui n’a rien de pâteux mais qui, à l’inverse, trans­forme le roman en une bonne folie répa­ra­trice et sur­réa­liste d’un héros (Syl­vain Breuil) pris de ver­tige.
Par sa tech­nique et son ima­gi­naire, la roman­cière (et poète) ne cesse de jouer sur les varia­tions des agen­ce­ments qui per­mettent par­fois le dépla­ce­ment de la fic­tion à tra­vers ses acci­dents de parcours.

Tout pour elle devient le moyen de par­tir du monde et du moi afin de fon­der un lan­gage obs­tiné dans des formes qui touchent sou­vent à un épique et un lyrisme par­ti­cu­liers plein d’humour au second degré.

Jean-Paul Gavard-Perret

Chan­tal Dupuy-Dunier, La langue du pic vert, édi­tions La dévia­tion, 2021, 288 p. — 20,00 €.

BY JEAN-PAUL 2 | 15 JUILLET 2021 · 8 H 50 MIN↓ Jump to Comments
Assurance sur la vie : entretien avec Chantal Dupuy-Dunier (La déviation)

Assu­rance sur la vie

Chan­tal Dupuy-Dunier a osé l’aventure (réus­sie) de la fic­tion à 71 ans. Mais elle avait der­rière elle un sacré back­ground poé­tique qui nour­rit sa fic­tion de la matu­rité. La connais­sant, elle dirait sans doute que cette matu­rité est déjà bien enta­mée. Mais son roman garde une ala­crité contre la mort que l’on se donne ou qui — en cas d’oubli — nous est don­née.
Et si dans son roman existent bien des dis­pa­rus, le songe exige l’appel de bien des nuits d’été face à la folie des hommes. Le tout dans un monde baroque que la langue méta­mor­phose en des jeux sub­tils et drôles du dedans et du dehors. Si les prix lit­té­raires étaient justes, ce roman méri­te­rait un des plus grands.

Entre­tien :

Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
La satis­fac­tion de consta­ter que je ne suis pas morte pen­dant la nuit. Cette pen­sée est suf­fi­sam­ment motrice pour que je pose un pied par terre, puis deux, en me disant qu’il ne faut pas trop perdre de temps pour pro­fi­ter de la journée.

Que sont deve­nus vos rêves d’enfant ?
Cer­tains se sont réa­li­sés, comme deve­nir écri­vaine. D’autres non bien sûr, la vie n’est pas tou­jours un long fleuve tranquille.

A quoi avez-vous renoncé ?
Au long fleuve tranquille.

D’où venez-vous ?
Je suis née en Arles. Cela per­met d’entendre « néant » dès le départ, il n’y a aucune trom­pe­rie sur l’issue de l’aventure !

Qu’avez-vous reçu en “héri­tage” ?
La somme des écrits qui m’ont pré­cé­dée dans toutes les civi­li­sa­tions. L’héritage cultu­rel immense, fas­ci­nant, accu­mulé dans tous les pays pen­dant les siècles passés.

Un petit plai­sir — quo­ti­dien ou non ?
Un carré de bon cho­co­lat noir.

Qu’est-ce qui vous dis­tingue des autres écri­vains ?
Peut-être publier un pre­mier roman à 71 ans, après une tren­taine d’ouvrages de poésie.

Quelle est la pre­mière image qui vous inter­pella ?
Celle de mon pre­mier chat, Bayard, tué d’un coup de fusil pour avoir attrapé des colombes dans une volière.

Et votre pre­mière lec­ture ?
Mon pre­mier livre sans images : « L’histoire d’une toute petite fille » Elle s’appelait Mili-Mali-Malou. Avant, il y avait eu des albums du Père Cas­tor et des contes.

Quelles musiques écoutez-vous ?
Je n’en écoute pas autant que je le vou­drais, prise sur­tout par l’écriture et la lec­ture. J’aime des choses très diverses : du jazz, les chan­sons à texte (Bras­sens, Gui­doni, Bar­bara, Brel, Juliette…), les vieilles chan­sons fran­çaises, des chants révo­lu­tion­naires, etc.

Quel est le livre que vous aimez relire ?
« La Peste » de Camus. Cela n’a rien à voir avec l’actuelle pan­dé­mie ; je le relis envi­ron tous les dix ans.

Quel film vous fait pleu­rer ?
« La Strada » de Fel­lini, en par­ti­cu­lier. Giu­lietta Masina est si émou­vante, Anthony Quinn a une telle présence.

Quand vous vous regar­dez dans un miroir qui voyez-vous ?
Il paraît que c’est moi.

A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
En règle géné­rale, j’ose toujours.

Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Cronce, un minus­cule vil­lage de la Haute-Loire où j’ai vécu pen­dant onze ans avec mon mari, écri­vain lui aussi. Ce lieu réel est devenu mythique pour nous. Il m’a déjà ins­piré deux recueils de poé­sie « Creu­se­ment de Cronce » (Voix d’encre) et « Pluie et neige sur Cronce Miracle »(Les Lieux-Dits). La tri­lo­gie sera close avec « Cronce en corps ». Il appa­raît éga­le­ment dans « Éphé­mé­ride » (Flam­ma­rion). Il tient aussi une place impor­tante dans « La langue du pic vert », mon pre­mier roman (La Dévia­tion).

Quels sont les artistes et écri­vains dont vous vous sen­tez le plus proche ?
Sur­tout des poètes, clas­siques et contem­po­rains. Je lis essen­tiel­le­ment de la poé­sie : Bau­de­laire, Roger Gilbert-Lecomte, Renée Vivien, Gabrielle Althen et tant d’autres que j’admire. Mais j’aime aussi, sans oser dire que je me sens proche d’eux car ils ont à mes yeux un talent inat­tei­gnable : des roman­ciers comme Her­man Mel­ville, Romain Gary, Yves Navarre, Patrick Süs­kind, Gabriel Gar­cia Már­quez, Colette, Gabrielle Witt­kop.
Mes peintres pré­fé­rés, très dif­fé­rents : Van Gogh et Dali.

Qu’aimeriez-vous rece­voir pour votre anni­ver­saire ?
Un petit séjour dans une auberge de cam­pagne ou de mon­tagne, un bal­lo­tin de très bons cho­co­lats noirs et un bou­quet de roses jaunes.

Que défendez-vous ?
La jus­tice sociale, les Droits de l’homme, la paix.

Que vous ins­pire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est don­ner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas” ?
À dire vrai : pas grand-chose. J’ai une maî­trise de psy­cho­lo­gie et ai fait une psy­cha­na­lyse, mais Lacan est resté obs­cur pour moi. Je pré­fère Freud, à l’écriture si vivante.

Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la ques­tion ?“
J’adore ! Le genre de phrase que j’aurais aimé écrire.

Et si le cœur vous en dit celle de Via­latte : “L’homme n’est que pous­sière c’est dire l’importance du plu­meau” ?
J’adore aussi ! Et Via­latte en Auvergne, où j’habite, est, à juste titre, aussi impor­tant que le plu­meau.
J’aime l’humour décalé, l’humour à tous les degrés, l’humour noir, l’autodérision. Pour moi, c’est une phi­lo­so­phie. Je ne conçois pas une vie sans humour, sans rire. C’est ce qui per­met à l’homme de prendre la dis­tance néces­saire, sal­va­trice, avec tout ce qui ne va pas dans son existence.

Quelle ques­tion ai-je oublié de vous poser ?
Êtes-vous vaccinée ?

Pré­sen­ta­tion et entre­tien réa­li­sés par Jean-Paul Gavard-Perret pour lelitteraire.com, le 14 juillet 2021.

 Par FRED LACOSTE, Interview dans "LE COURRIER DE LA GIRONDE" du 20 août 2021 :

LE PIC VERT, « UNE MÉTAPHORE DE L’EXISTENCE » :
Les éditions La Déviation publient « La langue du pic-vert », de Chantal Dupuy-Dunier. Un roman fort, qui pose la question universelle : « Comment faire face à l’angoisse de la mort ? »

Courrier de Gironde : Depuis la parution de La Contrebandière des Sorgues au début des années 1990, vous avez écrit une trentaine de recueils poétiques. Et voici que vous vous apprêtez à publier votre premier roman, La Langue du pic vert…

Chantal Dupuy-Dunier : J’ai longtemps porté en moi cette histoire. Ce récit, qui paraît au premier abord comme une pure fiction, est en réalité alimenté par de nombreux éléments biographiques. Le personnage central, Sylvain Breuil, a vécu un drame familial : sa mère est morte en le mettant au monde. Ma mère, elle, a failli mourir quand elle a accouché de moi. Le simple fait de le savoir a eu une influence sur moi, c’est quelque chose de difficile à porter. L’histoire de Sylvain est aussi celle d’une folie, même s’il ne la vit pas comme telle. Mon père était quelqu’un de maniacodépressif, un « fada » comme on dit dans le Sud – je suis native d’Arles. Et cela n’est sans doute pas un hasard si j’ai travaillé comme psychologue dans un hôpital psychiatrique… Bref, il me paraissait évident que l’histoire que je voulais raconter ne pouvait être abordée que dans la forme du roman. Le déclic a eu lieu lors d’une visite dans un petit musée de la Ligue de Protection des Oiseaux, lorsqu’un guide a prononcé une phrase au sujet du pic-vert : « Le pic-vert enroule sa langue autour de son cerveau pour le protéger contre les trépidations quand il fore les arbres. » C’est d’ailleurs ainsi que commence mon roman.

C.G. : Cette description pourrait-elle constituer une sorte d’idéal poétique ? À savoir que la langue soit totalement connectée au cerveau, au point que l’écrivain n’ait plus qu’à « forer » la matière du réel pour y trouver sa « nourriture » ?

C.D.-D. : Il y a bien une métaphore de cet ordre-là, oui. Mais au-delà de l’acte poétique en lui-même, je pense qu’elle peut s’appliquer avant tout à l’existence. Nous vivons une vie soumise à des agressions de toutes sortes. Et cette façon très particulière qu’a le pic vert de se prémunir contre les trépidations qu’il génère peut être perçue comme une allégorie liée à un besoin vital de protection.

C.G. : L’oiseau est un thème récurrent dans vos livres, que ce soit dans Mille grues de papier, Un n’oiseau des z’oiseaux, Des ailes…

C.D.-D. : L’oiseau est un sujet qui traverse la littérature, sans doute depuis ses origines. Je pense que c’est avant tout sa capacité à l’envol, cet essor, cette aspiration vers le haut qui fascine l’homme. Il y a là quelque chose de magique pour nous qui sommes rivés au sol, quand bien même nous pouvons prendre l’avion. Dans mon écriture, il est vrai que l’oiseau revêt une grande importance, même s’il n’est pas toujours question de la grâce du vol, mais de choses plus douloureuses. Dans Mille grues de papier, par exemple, il s’agissait pour moi d’évoquer l’histoire de cette petite Japonaise, Sadako Sasaki, décédée d’une leucémie à l’âge de douze ans après avoir été irradiée à Hiroshima et qui pliait des grues selon l’art de l’origami pour ne pas mourir.

C.G. : Quel est votre oiseau préféré ?

C.D.-D. : Cela évolue avec le temps. J’en ai fréquenté beaucoup à l’époque où je vivais à la campagne, de 2001 à 2011. J’y ai notamment admiré de superbes rapaces, comme le circaète Jean-le-Blanc, qui s’attaque aux vipères. Désormais, j’habite en ville, mais il suffit de lever la tête pour voir des oiseaux : des corbeaux, des pies, des hirondelles… Je suis particulièrement fascinée par le ballet des martinets au printemps. J’ai également une prédilection pour les grues, mais cela relève davantage de la symbolique, car je n’en ai jamais vu.

C.G. : Et le pic-vert dans tout ça ?

C.D.-D. : Comme mon personnage, j’ai eu un coup de foudre pour lui, il est un révélateur de l’ordre du fantasme. Je dis souvent que nous sommes jetés dans la vie comme des boules de flipper, sans savoir où nous allons nous retrouver ni ce qui nous attend. Nous sommes inévitablement confrontés à l’angoisse de mort, et face à elle, chacun fait ce qu’il peut. Sylvain, lui, va tenter de prendre le pic vert comme modèle afin d’affronter la maladie et la mort.

C.G. : Quel est le poète qui parle, selon vous, le mieux de l’oiseau ?

C.D.-D. : J’aime bien le poème de Prévert, Pour faire le portrait d’un oiseau, où il ne s’agit pas d’une espèce en particulier. C’est à la fois très accessible et très original.

« La Langue du pic-vert », de Chantal Dupuy-Dunier (éditions La Déviation), 284pp, 20 €, parution le 24 août 2021.

 Dans "LA CAUSE LITTERAIRE" : La langue du pic vert, Chantal Dupuy-Dunier,
Ecrit par YASMINA MADHI 27.08.21 dans La Une Livres, Critiques, Les Livres, Roman
https://www.lacauselitteraire.fr/la-langue-du-pic-vert-chantal-dupuy-dunier-par-yasmina-mahdi

La langue du pic vert, Chantal Dupuy-Dunier, éditions La Déviation, août 2021, 284 pages, 20 €

"Le discours aux oiseaux"

La langue du pic vert, le premier roman de Chantal Dupuy-Dunier, traite de la volonté d’un jeune homme d’élaborer un langage crypté et un discours aux oiseaux. Ainsi, Sylvain Breuil, le héros – « s’il vint » du « bois », – se trouve en lien avec le monde sylvestre, par hétéronomie, dans le sens où l’entend Kant, c’est-à-dire dans une dépendance à l’égard de mobiles pathologiques sensibles ou d’une loi extérieure. Ici, il est dépendant d’une passion ornithologique, qui n’était prédestinée ni par son milieu ni par ses études. Son intérêt pour l’univers des picidés prend forme durant le commencement de l’amnésie de son père. Pour Sylvain, cette préoccupation fébrile vient combler le néant de la maladie d’Alzheimer, et encore le néant et l’absence de sa mère morte en couches.

Comme dans le film de Jean-Claude Brisseau, De bruit et de fureur, quand après le décès de sa grand-mère, Bruno trouve un serin mort et se rend chez son père où un faucon lui apparaît, un compagnon dans le chaos, ici, ce sont de pacifiques pics verts qui traversent les murs, « un carrousel » de « pics verts » qui émerge du rêve éveillé de Sylvain. Quelque chose creuse obstinément le cerveau détraqué de Julien Breuil, le père, lui perfore la mémoire comme le bec de l’oiseau marteleur, « l’oiseau obsessionnel », qui creuse l’écorce épaisse pour y trouver sa subsistance. Tandis que Julien Breuil se décompose, Sylvain se recompose un univers autonome, joint à une rencontre étrange avec Stanislas Berghezian, un étudiant arménien, originaire d’Istanbul, qui bégaie. Les occupations sommaires dans la cité, puis au sein d’une famille paysanne à Cronce, sont entrecoupées d’hallucinations. Sylvain est un mystère pour ses proches, oncle, tante et nièces auvergnats.

Chantal Dupuy-Dunier s’immisce dans l’esprit et l’entendement du jeune garçon, le suit à la trace dans un paysage redevenu sauvage suite à l’exode rural, et lors de ses interprétations de phrases à l’ambiguïté syntaxique. La forêt est le domaine sacré de Diane, la déesse de la chasse, de la guerre et de la nuit dans la mythologie romaine, assimilée à Artémis dans la mythologie grecque. Fille de Jupiter et sœur jumelle d’Apollon, dieu du Soleil, elle souhaite rester vierge à perpétuité après avoir assisté à l’accouchement de son frère. Armée d’un arc, de flèches et court vêtue, elle vit dans les forêts et clairières, à la lisière entre le monde sauvage et civilisé. Elle initie dans ce lieu les jeunes hommes. Tel est le destin de Sylvain Breuil, qui subit un enchantement, loin de l’accomplissement du désir charnel, dans l’ombre de lui-même comme Diane restant dans l’ombre de la forêt.

Le pic vert, lui, vit à la verticale et recommence infatigablement son éternelle besogne, protège son cerveau de sa propre langue contre les trépidations de son bec. Sylvain, lui, pourchasse l’oiseau énigmatique, vagabonde à travers la nature, parle peu, et emprunte une trajectoire qui ressemble à une dérive debordienne, telle que l’analyse Pierre Macherey, « dérive [qui] vise à transformer et non seulement à réenchanter idéalement la réalité présente. (…) À mesurer l’importance de cette thématique de l’espace, sur un plan à la fois esthétique, éthique et politique, on est conduit à avancer que les diverses manifestations de la démarche situationniste se rapportent initialement à l’effort en vue d’investir l’espace, et par ce biais de le transformer, afin de l’arracher à la structure d’enfermement et de domination qui l’a importunément envahi et infecté, en particulier par l’intermédiaire des contraintes et des divisions liées à l’obligation de travailler » (La philosophie au sens large, 23 juin 2016). Sylvain, asocial, fuit la trivialité du réel et élabore un espace symbolique, évolue dans un univers parallèle, dans lequel « le soleil a un ventre rond, une coiffe rouge et le ciel est d’un vert presque phosphorescent ». Du reste, l’oiseau s’anthropomorphise « avec son béret rouge et ses bacchantes noires ». Sylvain Breuil reconnaît également, à l’instar de François d’Assise, la « grâce » et la « simplicité » de « créatures » qui n’ont « ni à semer, ni à moissonner » (Le Sermon aux oiseaux).

La plasticité du style de l’auteure crée un sujet fantasmagorique au comportement quasi autiste et au langage crypté. La langue du pic vert est un grand roman sur la folie, qui n’est pas sans rappeler le terrifiant Zombi de Joyce Carol Oates.

Yasmina Mahdi

La poétesse Chantal Dupuy-Dunier est l’auteure d’une trentaine d’ouvrages, dont Initiales (éditions Voix d’encre) qui lui a valu le Prix Artaud en 2000. Elle a exercé comme psychologue dans un hôpital psychiatrique de Clermont-Ferrand.

 Par FLORENCE BALESTAS, sur le blog VERSION LIBRE du samedi, août 28, 2021
"La langue du pic vert", de Chantal Dupuy DUNIER (France)

Voici un très beau récit poétique, sensible et fantastique.
L’histoire ? Sylvain Breuil est un jeune homme solitaire, étudiant en langue anglaise au début du roman, dont la mère est morte au moment de sa naissance, et dont le père est atteint de la maladie d’Alzheimer.

Elève sans histoire, enfant particulièrement docile, il n’aurait rien d’original si ce n’était que, à l’occasion d’un visite à la Maison de la Ligue pour la Protection des Oiseaux en Auvergne, il n’était tombé en arrêt sur une phrase prononcée par le guide ornithologique qui va faire basculer son destin : « le pic-vert enroule sa langue autour de son cerveau » - une révélation.

C’est le début pour Sylvain d’une étrange passion pour cet oiseau étonnant, ces pics épeiches ou pics bigarrés, à la musculature de la boite crânienne insolite, destinée à le prémunir des chocs répétés lorsqu’il frappe le tronc d’un arbre. Cette passion le distrait des soucis que lui cause son père, de plus en plus sujet à des trous de mémoire et à de curieux comportements – jusqu’à qu’il ne soit plus possible de partager le même appartement.

L’histoire serait plutôt banale et on aurait pu tomber sur une histoire triste et commune si l’autrice ne nous avait pas réservé quelques surprises.

L’une d’entre elle fait basculer le récit dans une fable poético-fantastique : Sylvain, installé seul dans son salon, voit soudain apparaître un pic vert sortir du mur, puis traverser la pièce et ressortir par le mur opposé sans jamais le fracasser, et bientôt il est suivi par d’autres dans un ballet magique et très bien orchestré.

L’évènement se répète tous les soirs entre 22h et 23h précisément, et Sylvain n’en parle à personne de peur de trahir un secret et de voir les pics verts s’envoler.

C’est aussi à cette période qu’il fait la connaissance de celui qui deviendra son unique ami, Stanislav, un Arménien venu étudier les Mathématiques, qui est par ailleurs doté d’un fort bégaiement.

L’originalité du roman de Chantal Dupuy-Dunier réside dans l’introduction de la poésie dans le récit - l’autrice est en effet surtout connue pour ses nombreuses publications en poésie – et elle réussit ici à ponctuer son récit de recherches poétiques : Sylvain décompose des mots en mode syllabique, pour tenter de percer le mystère du langage et de la langue du pic vert à partir de ses sonorités.

On suit ainsi le travail du poète comme si nous étions en train de composer une œuvre rythmique.

Pendant ce temps Stanislav, en véritable ami qui prend soin de Sylvain, lui offre un boulier exotique qui va lui permettre de rythmer ses phrases en une série de scansions sonores.

L’été arrive. Les deux étudiants vont se séparer et Sylvain va rejoindre son Auvergne natale, dans le petit village de Cronce, chez son oncle Roger. Malheureusement les pics verts du salon de la ville ne l’ont pas suivi. Mais Sylvain va trouver dans cette campagne environnante de quoi satisfaire sa soif d’en savoir plus sur son oiseau fétiche : avec ténacité il suivra les traces d’un pic épeiche et découvrira comment vit un oiseau sauvage dans son environnement naturel.

Stanislav aura plus tard une compagne, Patricia, et Sylvain lui aussi nouera une relation avec une dénommée Françoise Vergne, perçue dans un premier temps comme une ambassadrice privilégiée des pics verts. Mais rien ne se passera simplement pour ce garçon solitaire et si particulier…

« La langue du pic vert » est un récit original, qui mêle le merveilleux et la mélancolie. L’écriture y est fluide et le vocabulaire choisi et précis. Mais c’est surtout l’introduction de ces formes poétiques où le personnage principal tente de retranscrire phonétiquement les sons d’un oiseau qui en fait l’originalité.

La femme poète affleure souvent sous la romancière, ce qui agrémente de façon très inédite à ma connaissance ce récit d’une passion pour un oiseau sur lequel on apprend beaucoup : une jolie bouffée d’oxygène pour nous les urbains qui fait beaucoup de bien.

 DENIS HEUDRE : Chronique sur Babelio :

Il y eut Birdy, d’Alan Parker, tiré d’un roman de l’écrivain américain William Wharton ou quand le rêve devient folie. Pouvoir voler comme un oiseau à toujours été présent dans l’esprit de l’homme. Être en capacité à communiquer avec les animaux également. La recherche de l’envol est pareillement une constante chez les poètes, et Chantal Dupuy-Dunier, poète à la trentaine d’ouvrages édités, qui publie La langue du pic vert, son premier roman, aux éditions La déviation, y multiplie les métaphores.
Né dans la mort de sa mère, Sylvain vit avec son père atteint de la maladie d’Alzheimer. Son secret à lui, n’est pas un jardin mais un bois auvergnat où il a un rendez-vous avec un pic vert, fasciné par les coups de bec qu’il martèle dans le tronc d’un vieil arbre. La terre d’Auvergne, que l’autrice connaît bien, fait à cette histoire un écrin d’authenticité.
Les lecteurs de Bernard Werber y trouveront sans doute quelques similitudes dans le côté ésotérique de cette relation avec le monde animal, mais chez Chantal Dupuy-Dunier la poésie est toujours en filigrane dans cette sortie du réel.
Ce roman, très bien écrit, évoque le plaisir de l’observation, de l’attente, du temps long de l’approche. La patience. Le besoin de retrouver le lien avec le vivant qui nous entoure avec une « ambassadrice des oiseaux » et quand « Sylvain réussira à conjoindre les propriétés de l’encéphale humain et celles du crâne de l’oiseau extraordinaire. »
Chantal Dupuy-Dunier, poéte, glisse dans ce roman quelques étincelles de poésie « Ailes, Elle / à la clarté des jeunes filles en pluie ». Le lien entre poésie et mathématiques y est également évoqué. Jacques Roubault ne démentira pas Chantal Dupuy-Dunier quand elle affirme "la science et la poésie entretiennent des relations qui, si elles ne sautent pas aux yeux du profane, n’en sont pas moins étroites".
Plus qu’une intrigue, c’est un glissement agréable qui s’opère dans cette lecture. Une progression fluide dans la quête de Sylvain vers une forme d’immortalité, pour rejoindre éternellement « L’oiseau étincelant qui s’appelle jeunesse » qu’évoquait Omar Khayyâm.
La langue du pic vert
Chantal Dupuy-Dunier
Editions La déviation
284p, 20 €

notes de lectureshttp://denisheudre2.blogspot.com

 PIERRE GUELFF, chronique radiophonique sur "FREQUENCE TERRE" :
La langue du pic vert, voici un roman que l’on n’est pas près d’oublier à l’issue des 280 pages écrites par Chantal Dupuy-Dunier aux Éditions la déviation, tout comme Sylvain qui, en visitant une Maison de la Ligue pour la Protection des Oiseaux entendit ces mots prononcés par le guide : « Le pic vert enroule sa langue autour de son cerveau pour le protéger contre les trépidations quand il fore les arbres. »

Outre une superbe et très symbolique illustration de couverture, cette phrase ne pouvait, aussi, qu’attirer l’attention de l’auteure qui travailla comme psychologue en hôpital psychiatrique et de fournir un titre particulièrement prégnant à son ouvrage : La langue du pic vert.

Que je vous résume : si cet oiseau fabuleux possède une langue extraordinaire, Sylvain va connaître une destinée tout aussi hors du commun. Il n’a pas connu sa mère, Martine, morte en lui donnant la vie, très lourd « héritage » à porter : « Comment peut-on naître d’une morte ? »

Et puis son père, Julien, qui, à 46 ans, commence à embrouiller ses idées, confondant mardi avec dimanche, oubliant l’endroit du stationnement de son véhicule, se rendant à son boulot alors qu’il n’y est pas attendu, en d’autres mots, c’est la déchéance, encore une situation très lourde à supporter pour Sylvain : « Papa, c’est mon anniversaire. » Papa ne répond rien.

À deux, ils vont sur la tombe de Martine, endroit quasiment inconnu du fils. Il ne connaît pas le chemin qui mène à la sépulture. Julien, oui. Pareil à un automate, il va s’asseoir sur le bord du caveau et, comme un mantra, répète « Il ne faut pas renverser la bruyère ! »

Parallèlement, Sylvain fréquente une bibliothèque, il écrit quelques poèmes, manipule un boulier chinois, ah ! pourquoi cet objet tient-il une certaine place dans le roman ? Tout comme Stanislav, d’ailleurs…

Le jeune homme recherche un emploi, son père étant placé au « Cloître », une institution adaptée à son état, il devient agent de service dans l’hôpital où, justement, Julien travailla.

Il se met à lire des ouvrages consacrés au Râja-yoga, ensuite, comme une suite parfaitement tracée par le Destin, il désire ardemment se promener dans les bois « afin de rencontrer son oiseau totem ».

Alors, cette recherche s’apparente à une quête initiatique qui, vers la fin, fait même, chose rarissime, rire Sylvain aux éclats, « un rire qui ressemble à celui du pic vert ».

L’éditeur de ce roman spécifie que « la poétesse Chantal Dupuy-Dunier manie en virtuose le jeu du langage. Mystérieux et original, son premier roman est dédié à ceux dont le rêve est appelé folie. »

Pour ma part, je termine cette chronique par une citation de Jean Jaurès : « Les progrès de l’humanité se mesurent aux concessions que la folie des sages fait à la sagesse des fous. »

https://l.facebook.com/l.php?u=https%3A%2F%2Fwww.frequenceterre.com%2F2021%2F09%2F01%2Fla-langue-du-pic-vert-etrange-et-emouvante%2F%3Ffbclid%3DIwAR05zVBxT8_rhj8pRU631_9-Hc0f232J8b5Dsvp5XRRVTiqqge_QDGNnV4o&h=AT1QIF3ZZdu_SUHZ41ixulpRUqI4sRP4EppVbQG7SvbxQuixIrI1pKPRuHiIQ8bjvX-IU8V_d5Bjzsmt5ZxBt8HJfwetCmnB-mllOLxEfBm3cYOg6ZHV4Htl4gESXW71oNI&__tn__=H-R&c[0]=AT06yxEQzDrChzMxnZX1ux—uigv3amCX0xRL8DOlZLhqe41lvboklvqRNZvpOwvhIQrFa7n993K3X_-sd1Z6GBld4J6J_wfIi-soQsIMH8oYvV0NnCeTS1eOtSgwWWE5a9nX6seMKthcUAcOXgn04Oy4Q

 Interview de GERARD GEORGES dans son émission "PERLES DE CULTURE" sur RCF Puy-de-Dôme :

 Article de CATHERINE SIMON, paru dans "LE MATRICULE DES ANGES" de septembre 2021 :

 Sur BABELIO : "6 premiers romans pour découvrir de nouvelles plumes", dont : "La langue du pic vert"
https://www.babelio.com/.../6-premiers-romans-pour...

 La langue du pic vert, fait partie du Palmarès 2021 de Lecteurs.com des 10 meilleurs livres sélectionnés sur 50, par des Explorateurs de la rentrée littéraire, ces lecteurs passionnés et avertis du site Lecteurs.com

https://www.lecteurs.com/article/rentree-litteraire-2021-un-palmares-riche-en-decouvertes/2444155?fbclid=IwAR3pD83myghgf2Ay3PrMlSAqg0gH-5PCtHID4XOvuM1Lvm9u1kp529BcHWw

 Article de PASCAL GUINARD dans "LA MONTAGNE" (édition Puy-De-Dôme) du 22 septembre 2021 :

 Chronique de CLAIRE JULLIARD, pour L’OBS du 23/09/2021 :

 Chronique de DANIEL BRUGES dans LE REVEIL DU CANTAL, 1er octobre 2021 :

 Chronique de DANIEL BRUGES sur "AU P’TIT BONHEUR DES LIVRES" :
« La langue du pic vert », un superbe et très prenant roman de Chantal Dupuy-Dunier :
Les lecteurs d’ici connaissent bien l’œuvre poétique de Chantal Dupuy-Dunier. Cette auteure a déjà à son actif une trentaine d’ouvrages dont le remarqué « Initiales » publié aux éditions Voix d’Encre qui a reçu le Prix Artaud. En cette rentrée littéraire automnale, Chantal Dupuy-Dunier revient sur le devant de la scène avec un premier roman titré « La langue du pic vert ». Ce livre de 284 pages est édité aux éditions La Déviation. Incontestablement, il va séduire nombre de lecteurs par son originalité et sa force d’écriture. Petit résumé :
« Le pic vert enroule sa langue autour de son cerveau pour le protéger contre les trépidations quand il fore les arbres ». Cette phrase, prononcée par un guide de musée, est une révélation pour Sylvain Breuil, le point de départ d’une quête de l’invulnérabilité, puis de l’immortalité. Il y a la mère, morte en mettant Sylvain au monde, le père atteint d’Alzheimer, mais aussi Stanislav, l’ami arménien, une jeune fille aux yeux de pluie, un apnéiste, un boulier chinois, une grenouille cendrier, un précis d’ornithologie, des ouvrages sur l’ésotérisme hindou, une ville du Sud, un village d’Auvergne, une grue de chantier et un pic vert, des pics verts… "
Chantal Dupuy-Dunier manie la langue avec virtuosité. Avec un rythme narratif qui accélère au fur et à mesure de l’évolution de l’histoire, ce livre est très habilement construit. Dès les premières pages le lecteur est totalement happé par l’histoire émouvante de ce jeune homme solitaire, passionné par les pics verts, ces oiseaux qui chaque soir sortent des murs de l’une des pièces de son appartement. Le fantastique se mêle au réel dans une folle sarabande. La poésie n’est jamais loin. On vit de page en page la passion, la patience mais aussi les amours déçues, les mystères cachés, les angoisses, les « absences » et les phobies -peut-être même la folie !- de Sylvain Breuil. Mieux que quiconque, la romancière trace un portrait psychologique marquant tout comme elle raconte avec brio les autres personnages gravitant auprès de lui : son ami Stanislav, Françoise, les membres de sa famille, les voisins… On ne saurait passer sous silence l’observation très fine des gens de la campagne avec leurs habitudes, leurs dits et leurs non-dits. S’ajoute à tout cela le village de Cronce et ses paysages environnants. Sur ces hautes terres, il y a aussi des pics verts et on les appelle les « pleu-pleu ». Ces fameux pics verts qui enroulent leur langue autour de leur cerveau pour les protéger contre les trépidations quand ils forent les arbres.
N’en dévoilons pas plus et laissons à chacun le bonheur de la découverte de « La langue du pic vert ». Au lecteur donc d’apprécier au plus vite ce roman, véritable coup de cœur, tout en sensibilité, en puissance évocatrice et à l’intrigue des plus originales. A coup sûr, ce livre va marquer cette rentrée littéraire !

 Et merci à la LIBRAIRIE PREFERENCES de TULLE pour son coup de coeur :

https://www.facebook.com/radiochardon/videos/858891218110261/?__cft__[0]=AZU6rwEeT-Sa9yBPk7QGTUqDZgLjq0Mu4Bg42mb1174Bp-gX1zTnEjcXyFp-gxCQFxHV4VwkMX3zbLbRkT-FQyKsbXm9Rw61xaUUWYVe-2cff4lUgNJP03y5DLFEL7Im2GVdItjhSWAFBe9XGMAROe1E

 Dans "LE COURRIER" (Genève) du 12 novembre 2021, sous la plume d’ANNE PITTELOUD :

"Suivre le vol des pics verts :
Chantal Dupuy-Dunier imagine, dans La Langue du pic vert, les stratégies d’un jeune homme pour contrer l’angoisse de la mort, entre folie et poésie.
Elle manie la langue en poète, jouant de sa musique et d’un réseau d’images comme d’autant de motifs qui font refrain et tissent du sens.
Chantal Dupuy-Dunier a publié une trentaine de recueils autour des thèmes de la vie, de la mort, du temps. Les oiseaux et le petit village de Cronce, en Haute-Loire, où elle a vécu une dizaine d’années avant de s’installer en Auvergne, apparaissent de manière récurrente. C’est aussi le cas dans son premier roman, La Langue du pic vert, dédié « à ceux dont le rêve est appelé par d’autres ‘folie’ ».
Le pic vert est ici l’animal totem du jeune Sylvain Breuil, dont le prénom et le patronyme sont intimement liés à la forêt. Sa mère est morte en lui donnant naissance, il vit seul avec son père diagnostiqué Alzheimer de manière précoce et a pour seul ami un étudiant arménien, Stanislav, bègue au langage châtié et petit génie des maths.
Une phrase prononcée par un guide de musée est pour Sylvain une révélation : « Le pic vert enroule sa langue autour de son cerveau pour le protéger contre les trépidations quand il fore les arbres. » Le jeune homme se met alors en quête de la cache dans son propre cerveau, ce lieu sûr et secret qui « lui assurera une protection absolue et éternelle », cette chambre dérobée qui est pour lui celle de l’immortalité. L’écrivaine française, qui a travaillé comme psychologue dans un hôpital psychiatrique, imagine ainsi les stratégies du garçon pour contrer l’angoisse de la mort et l’oubli.
Sauvage et solitaire
Sur son chemin initiatique, il se voit comme l’héritier des pics, et sa quête d’invulnérabilité est un antidote enfantin contre sa fragilité face au corps absent de sa mère, de bois lui aussi, comme celui du cercueil. Contre cette immobilité-là, il y a le mouvement des oiseaux, et Chantal Dupuy–Dunier restitue de façon délicate la construction d’un univers fantasmé où tout fait signe, tout devient langage. Des pics verts défilent sur le mur du salon tous les soirs à 22 heures, la grue du chantier illuminée est un mystérieux appel tandis que Sylvain voit en Françoise Vergne, petite-fille d’un voisin de Cronce, une émissaire des pics verts : elle le met sur le chemin d’un apnéiste qui s’est constitué une réserve d’air entre la paroi osseuse de son crâne et ses méninges grâce… au yoga et à la méditation transcendantale.
Sauvage, solitaire, étrange, Sylvain s’entraîne. Et lors de ses vacances d’été dans la ferme de son oncle Roger à Cronce, disparaît chaque jour dans les bois à la poursuite d’un pic vert. Quand il entend le « kiakiakiak » de l’oiseau, « sa pensée s’orne de plumes vert jaune et rit aux éclats » ; hors des mots, elle s’envole et « met du temps avant de pouvoir se poser ». Sylvain, « issu d’une femme sans corps et d’un homme sans mémoire, éprouve des sensations qu’il n’a jamais ressenties jusqu’ici ». Il imaginera un langage monosyllabique, scandé comme un poème qui imiterait le staccato du pic : « Tout près, ri re et ai les, dé si rés. »
Folie ou poésie ? Pour le poète aussi, tout fait signe. Il habite le monde de façon singulière, en état de veille, s’efforçant de débusquer la langue poétique – celle du pic, toujours à réinventer – dans les plis du langage ordinaire. Dans La Langue du pic vert, la nature – magnifiquement décrite – devient la métaphore de cet infra langage lié au corps, à ce qui demeure caché, et dont il s’agit de réinventer les images et le chant.
Chantal Dupuy-Dunier, La Langue du pic vert, Ed. La Déviation, 2021, 288 pp.

 LUNDI 15/11 à 19h - Soirée LECTEURS.COM avec quatre auteurs du PALMARES des Explorateurs de la rentrée, sur "UN ENDROIT OU ALLER" :
Marie Mangez, Christophe Perruchas, Chantal Dupuy-Dunier et Éloi Audoin-Rouzeau

Chantal Dupuy-Dunier : La langue du pic vert, Éditions La Déviation

« Le pic vert enroule sa langue autour de son cerveau pour le protéger contre les trépidations quand il fore les arbres. » Cette phrase, prononcée par un guide de musée, est une révélation pour Sylvain Breuil, le point de départ d´une quête de l´invulnérabilité, puis de l´immortalité.

Il y a la mère, morte en mettant Sylvain au monde, le père atteint d´Alzheimer, mais aussi Stanislav, l´ami arménien, une jeune fille aux yeux de pluie, un apnéiste, un boulier chinois, une grenouille cendrier, un précis d´ornithologie, des ouvrages sur l´ésotérisme hindou, une ville du Sud, un village d´Auvergne, une grue de chantier et un pic vert, des pics verts. Magie des mots, richesse des images, histoire émouvante et personnages attachants, au service d´un sujet universel : comment faire face à l´angoisse de la mort ? La poétesse Chantal Dupuy-Dunier manie en virtuose le jeu du langage. Mystérieux et original, son premier roman est dédié à tous ceux dont le rêve est appelé folie.

La rencontre est animée par KARINE PAPILLAUD.

 De MURIEL STEINMETZ, dans L’HUMANITE, 25 novembre 2021 ;

 Par ANNIE MUSE (Annie Mansour-Forest) sur son remarquable blog "L’ECRITOIRE DES MUSES", 2 décembre 2021 :

La langue du pic vert
2/12/2021 | Livres |
La langue du pic vert
Chantal Dupuy-Dunier
La déviation (2021)
(Par Annie Forest-Abou Mansour)
Après la poésie, le romanesque

Après la publication de nombreux recueils poétiques (1) qui lui ont valu des distinctions comme le prix Artaud en 2000, Chantal Dupuy-Dunier s’embarque désormais avec La langue du pic vert dans une équipée romanesque. Cette amoureuse des mots propose avec une écriture ciselée et mélodieuse un ouvrage où le lexique et les images résonnent dans l’esprit et le cœur de son personnage principal et dans ceux du lecteur. Elle emporte ce dernier dans le mystère de sa langue musicale comme les piverts emportent son héros dans un ailleurs protecteur et salvateur.
Le pouvoir des mots
Le pouvoir des mots vecteurs d’informations et d’émotions ! Leur incroyable puissance sur le cerveau. Le pouvoir d’une phrase prononcée par le guide d’un musée : « Le pic vert enroule sa langue autour de son cerveau pour le protéger contre les trépidations quand il fore les arbres ». Une révélation attendue, sans qu’il le sache, pour Sylvain Breuil, un aide-soignant de dix-huit ans.
Une vie toujours bousculée
Tout est signe dans la vie de Sylvain « commencée dans de tragiques circonstances ». Sa naissance a coûté la vie à sa mère. Une empreinte douloureuse ineffaçable dans son conscient et son inconscient. Jamais son anniversaire, – date de son arrivée dans la vie et fin tragique d’une autre –, n’a été souhaité. « Mais son enfance s’est déroulée d’une manière à peu près heureuse, dans la stabilité d’une institution laïque, où des éducatrices lui prodiguaient une affection authentique et où d’autres fillettes jouaient le rôle de sœurs ». Sa vie s’est écoulée sans remous : « Sylvain a fait des études moyennes, sans vagues (…) Ses enseignants, les voisins, la famille s’accordent à dire que Sylvain a été un enfant particulièrement docile ». Malheureusement, alors qu’il a dix-huit ans, son père, de quarante-six ans, sombre progressivement dans la maladie d’Alzheimer : nouvelle tragédie pour Sylvain, être fragile, abandonné, bien involontairement, par sa mère, désormais oublié par son père. Le début des pertes de mémoire paternelles coïncide avec la visite au musée et le basculement de la vie de Sylvain. Le jeune homme, suite à la visite à « la Maison de la Ligue pour la protection des oiseaux de la Volte », se passionne de façon obsessionnelle pour les piverts, des « oiseaux fabuleux » pour lui, qui vont l’enlever vers un ailleurs tutélaire, dans une quête de l’immortalité. Un voyage initiatique sans retour !
Des sons apaisants
Le rêve devenu folie s’insinue furtivement et lentement dans un univers romanesque au début solidement ancré dans le réel. Mais comme le rapporte la narration en focalisation interne « se produit l’événement. Sur le mur de gauche, juste au-dessus de la télévision apparaît un bec effilé. Un pic vert sort du mur, traverse le salon et achève son trajet sur le mur opposé, suivi immédiatement par d’autres pics verts ». Après la visite au musée, c’est, chaque soir, un défilé ininterrompu dont « le manège s’accélère ». Les piverts reviennent à heure fixe, impatiemment attendus par Sylvain. C’est comme si sa vie avait commencé au moment où il a entendu la phrase du guide les concernant.
Au début tout semble avancer de façon monocorde, avec des rétrospectives, des souvenirs. Puis, après le musée, les problèmes du père, la découverte de l’univers des picidés, la rencontre avec Stanislav, l’ami bègue qui scande les mots comme les piverts martèlent le tronc des arbres, la notion du temps évolue. Alors que le père a arrêté le temps, vivant au milieu des meubles choisis par sa défunte épouse, le temps se précise, passant d’indéterminé (« un soir ») à déterminé : « Aujourd’hui est le 12 juin », jour de naissance et de mort. Le déroulement du temps commence à s’accélérer. Les dates indiquées se succèdent de plus en plus vite. La vie pour Sylvain devient de plus en plus riche, protégée par « les bruits répétitifs qu’il aime », univers sonore au rythme binaire, rythme des battements du cœur, loin du « silence originel » de sa mise au monde mortifère. Rappel d’un « bruit très ancien qui provenait d’une veine qui battait près de sa peau, contre ce qui allait devenir son oreille ». Empreint de ces sons apaisants, réconfortants, morcelant chaque mot, Sylvain crée une langue : « Sylvain écrit pic vert ». Il fait éclater la langue, devenant ainsi un poète ailé. Lui, mal à l’aise en société, être solitaire, se sent en confiance avec Stanislav dont la langue « fonctionne pour (lui) comme la langue des pics ». Les sons saccadés le plongent dans espèce de monde in utero, souvenance inconsciente apaisante.
Un univers de signes
Durant les vacances estivales, Sylvain se rend à Cronce chez son oncle et sa tante. Un lien très fort l’unit à la nature auvergnate qu’il s’approprie par la marche, les sensations toutes mobilisées à la recherche des piverts. Sylvain est heureux parmi les oiseaux, auteurs de vibrations tambourinantes, au cri si particulier : « Kik-waitwaitt, Kik-waitwaitwait », « Kiakkiakiak ! Kiakiakak ! Kiakiakiak ! Kiakiakiak ! Kiakiakiak ! ». Il les observe, les écoute, communique avec eux. Il se met à « penser pic vert ». « Ses idées se présentent désormais à lui sous forme de séquences vives et hachées, fragmentées comme une sorte de morse ». Il devient pivert : « Sylvain se lève pic vert, pense pic vert, écrit pic vert, se couche pic vert, vit pic vert ». Sa vision du monde est pivert : « Une vipère écrasée trace le c de ‘pic’ en bordure du fossé droit ». Et surtout, il veut acquérir la résistance du pivert, arriver à préserver son cerveau car « cela ne peut que lui assurer l’immortalité ». Tout devient signe, véhicule de nombreuses connotations, pour Sylvain. Il donne du sens à tout ce qui l’entoure. Déjà son patronyme prévient les dangers : « S’appeler Sylvain Breuil n’est pas sans risque. La double étymologie sylvestre – en vieux français ‘breuil’ signifie bois – recèle bien des dangers ». Le bois signifie la mort dans l’esprit de celui qui est né du néant : « Sylvain s’est toujours représenté sa naissance comme une scène immobile, une peinture figée, dans laquelle un petit garçon émergeait seul d’un corps ligneux, passif, sans contractions, d’un morceau de bois inerte ». Lui se sent « du côté du bec », du côté du martèlement, du côté de la vie. Pourtant, il est dans une vie non vie. Passif, Sylvain est dirigé par les autres dans son quotidien, (« Sylvain éprouve (…) la nécessité d’être dirigé, au sens premier du mot. Il a besoin que l’on balise son chemin »), dans sa vie sentimentale (« Il la laisse choisir à sa place, comme il le fait avec Joël ou Noël, ou comme il le faisait avec son père auparavant »). A Cronce, il a rencontré Françoise, petite fille de paysans, intelligente, diplômée, naturelle. Elle lui avoue son désir. Devant elle, Sylvain n’est qu’un enfant. Elle prend toutes les initiatives, acceptées au début par Sylvain qui la considère comme une émissaire des pics. Mais très vite, la folie gangrène leur relation.
Renaître autre
De retour de vacances, loin de Cronce, la forêt se déplace dans l’esprit de Sylvain. Le chantier du « site du futur Multiplexe » devient une « forêt métallique », « une forêt de grues » avec une somptueuse grue, plus grande que les autres, aux couleurs des picidés. Imitation cacophonique de la nature auvergnate. C’est là que Sylvain va devenir immortel, annulant la mort en s’anéantissant dans le vide comme l’oiseau plonge dans l’air. Il devient oiseau, renaît autre. Pour lui, la mort est la vie. C’est le retour symbolique vers la mère au propre et au figuré comme l’infèrent certaines expressions polysémiques : « plongée au sein de la matrice », « la dure-mère ».
Sylvain a constamment recherché cette mère dont l’unique photographie l’accompagne toujours. Il tente de combler inconsciemment son absence, source d’angoisse, par des substituts. Il n’est pas innocent, en effet, que ce soit la femelle pivert qui appelle toute son attention. Françoise, caractérisée par ses seins graciles, loin des volumineux seins nourriciers appartenant à l’imaginaire d’une maternité triomphante, ne peut quant-à-elle, malgré toute sa tendresse, apporter un soutien à Sylvain, comme Nicole, la voisine « au physique de vamp » jamais remarquée par Sylvain, trop éloignée de l’image maternelle. Devenir pivert, c’est enfin retrouver la mère pour l’éternité.
L’aventure d’une écriture
L’écriture de la narratrice véhicule des connotations révélatrices de la poétesse capable de dépasser les apparences, de voir l’invisible et de le dire. Révélatrices aussi de la psychologue remplie de compassion, capable de s’immiscer dans l’esprit et le ressenti d’un être en souffrance émouvant et sympathique confronté à la cruauté de la vie. Toutefois, elle raconte des choses tragiques sans verser dans le pathos qu’elle casse avec des effets d’humour qui renouvellent souvent des clichés : « des vaches (…) aux yeux à damner un taureau », « le cantonnier qui ne sait où donner de la faux », « Le sansonnet ( … ) lui a emboîté le vol », « Patricia Lombard est native d’Arles et Stanislav est heureux que cette Arlésienne-là ne soit pas invisible », « Elle disserte seule en bâtissant des châteaux dans le midi de la France », « un ange passe, à moins que ce ne soit un pic vert ». Son écriture crée un monde nouveau dégagé du voile que l’habitude empêche de percevoir. Elle permet au lecteur de pénétrer ses esthétiques paysages intérieurs ainsi que l’univers de rêve et de folie de Sylvain. Elle extrait la beauté du réel avec douceur et une pincée d’humour comme lorsqu’elle présente le chat noir : « L’animal est noir avec l’extrémité de la queue blanche comme si le Créateur l’avait tenu par là entre deux doigts, afin de le tremper dans un pot de peinture », avec tendresse quand, en quelques traits descriptifs, elle donne à voir l’émouvante fragilité de chatons nés depuis peu : « petites choses aux pattes écartelées et aux paupières closes ». Son regard s’attarde avec légèreté et subtilité sur toutes les formes de la réalité observée qu’elle capte en quelques mots chaque fois précis et bien choisis.
La Langue du pic vert de Chantal Dupuy-Dunier est un magnifique et touchant ouvrage d’une grande richesse poétique et psychologique sur la tragédie d’un enfant sans mère qui s’enfonce inexorablement dans la folie.
(1) De la même autrice : des chroniques pour la connaître :
– Les compagnons du radeau
– C’est où poézi ?

 Par MARGOT FOLAMOULE , sur son blog :
Plaisirs de lire inattendus, sauvages, alternatifs

Une libraire (aux Vinzelles, à Volvic, 63), une chroniqueuse, une lectrice, une liseuse, une formatrice, une écriveuse ? Tout ça mélangé !

« La langue du pic vert », de Chantal Dupuy-Dunier, aux éditions La Déviation

Cette rentrée a été une bien belle suite de surprises littéraires, vraiment. Et l’Auvergne a elle aussi eu sa part de beauté à lire et à offrir !

Parmi elles, La langue du pic vert, un roman aussi étrange qu’éclairant, marquant, comme les trous faits par le bec de l’oiseau…

Car taper contre un tronc d’arbre permet au pic vert de communiquer avec ses congénères et de creuser des trous dans le bois afin d’y pondre ses œufs. Et ce livre nous fait nous sentir solidaires des oiseaux, de Sylvain, le héros, du monde qui l’entoure et ce livre de 280 pages écrites par Chantal Dupuy-Dunier aux Éditions la déviation est un bien bel œuf qui ne demandait qu’à éclore.

Éclore, tout comme Sylvain qui, en visitant une Maison de la Ligue pour la Protection des Oiseaux entendit ces mots prononcés par le guide :

« Le pic vert enroule sa langue autour de son cerveau pour le protéger contre les trépidations quand il fore les arbres. »

Cette phrase, prononcée par le guide, est une révélation pour Sylvain Breuil, le point de départ d’une quête de l’invulnérabilité, puis de l’immortalité.

Une phrase d’ornithologue à vérifier ? Oui, c’est vrai. A force de taper sur les troncs d’arbre les pics verts pourraient souffrir de lésions cérébrales.

Et Sylvain le découvre par hasard, et de là naît un intérêt étonnant et captivant pour l’univers des picidés, un intérêt illimité, obsessionnel qui continuera à prendre et donner forme à sa vie fébrile, préoccupée, pleine de chocs…

Cette passion vient combler le néant et l’absence de sa mère morte en couches, elle le distrait en outre des soucis que lui cause son père, de plus en plus sujet à des trous de mémoire, des amnésies en pointillés et à de curieux comportements jusqu’à qu’il ne soit plus possible de partager le même appartement.

Une étrange passion pour un étrange oiseau
Une étude du nom du protagoniste pourrait être une explication simple mais jolie pour cette passion. Car Sylvain est lié, comme le pic vert, aux arbres… Quand il vit le pic vert il se demanda s’il vint du bois ?

"S’appeler Sylvain Breuil n’est pas sans risque. La double étymologie sylvestre – en vieux français breuil signifie bois – recèle bien des dangers. On passe facilement de forêt à foré."

Quel plaisir de s’intéresser de si près à cet étrange oiseau, ces pics épeiches, à sa boite crânienne insolite, à sa capacité à la fois unique et naturelle à se prémunir des chocs répétés, ceux du crâne, lui aussi, lorsqu’il frappe le tronc d’un arbre pour forer un trou et se nourrir.

Le pic vert vit à la verticale et recommence infatigablement son éternelle besogne : forer avec son bec, tel un Sisyphe-oiseau. Il sait pourtant protéger son cerveau, lui, avec sa langue.

Sylvain, fasciné, comme dans état second d’épiphanie, va creuser lui aussi son envie de savoir, de comprendre pour fuir le réel et va pourchasser cet oiseau énigmatique. Ce faisant, il se crée un espace personnel, vital, un monde parallèle, dans lequel « le soleil a un ventre rond, une coiffe rouge et le ciel est d’un vert presque phosphorescent ».

Sylvain vient d’acquérir le privilège de commencer la recherche de la cache secrète qui lui assurera une protection absolue et éternelle. Il hérite de la mémoire des pics. Le droit lui est donné de franchir une étape initiatique.

Et dans cet espace crée pour résister et survivre, l’oiseau prend forme humaine « avec son béret rouge et ses bacchantes noires ».

Kiakiakiak = mais qui est Sylvain ?
La vie de Sylvain a été parsemée de chocs auquel le pic vert et ses chocs le renvoie…

Sa mère, Martine, est morte en le mettant au monde, et son père, Julien, est atteint d’Alzheimer à 46 ans : il commence à avoir des idées brouillées, il confond les êtres, les choses et les jours, il oublie les endroits où il range ses objets ou sa voiture, il part au travail alors qu’il n’y est pas attendu, en d’autres mots, c’est la déchéance, et vivre dans le même lieu que ce père est encore un choc à supporter pour le fils.

À deux, ils vont sur la tombe de Martine, même si le fils ne connaît quasiment pas ce lieu ni le chemin qui y mène. Pareil à un automate, pourtant, Julien le trouvera et s’assiéra sur le bord du caveau et, comme un mantra, répétera « Il ne faut pas renverser la bruyère ! »

Autour de Sylvain naviguent et virevoltent d’intéressants et intenses personnages… Nous découvrons sa vie, ses rencontres, Stanislav un étudiant arménien de Turquie qui lui offre un boulier, sa famille : Tante Irène et Oncle Roger et leurs filles jumelles.

Mais il n’est pas fou, Sylvain, et il tient à tout savoir sur ce Pic vert qui semble savoir lui parler, du moins le désirer. Et pour savoir, il va à la bibliothèque, il écrit quelques poèmes, ou encore manipule le boulier chinois.

Et parallèlement à tout ça, le jeune homme recherche un emploi, son père étant placé au « Cloître », une institution adaptée à sa maladie. Sylvain, alors, devient agent de service dans l’hôpital où, justement, Julien a travaillé.

Il se met à lire des ouvrages consacrés au Râja-yoga, ensuite, comme une suite parfaitement tracée par le Destin, il désire ardemment se promener dans les bois « afin de rencontrer son oiseau totem ».

Ce livre, parmi tout ce qu’il est, est donc aussi celui qui raconte la vie de Sylvain, ses méandres, ses anneaux, ses chocs et son sens, il s’apparente à une quête initiatique qui, vers la fin, fait même, chose rarissime, rire Sylvain aux éclats, « un rire qui ressemble à celui du pic vert ».

Avec Sylvain, on ira du Sud de la France jusqu’à Cronce, en Auvergne, là où la nature lui offre des escapades contemplatives toujours plus longues.

La virtuosité du langage du pic vert
Les mots sont maniés avec talent, magie et poésie, les images, sont riches et nous amènent à voir tout ce qui est raconté, en détails poétiques et inattendus voire inespérés, l’histoire est très émouvante, les émotions sont réelles et nuancées, les personnages sont attachants…

Et lire ce livre amène à chercher la réponse qu’on cherche toutes, tous, même quand on ne le sait pas encore : comment faire face à l’angoisse de la mort ?

L’auteure a un style unique et très poétique, en la lisant, on est proche de la légende des bois, de la fantasmagorie pour décrire un comportement quasi autiste et créer le langage crypté dont Sylvain a besoin.

« La poétesse Chantal Dupuy-Dunier manie en virtuose le jeu du langage. Mystérieux et original, son premier roman est dédié à ceux dont le rêve est appelé folie. » (Présentation de l’éditeur)

Mystérieux et original, son premier roman est dédié à tous ceux dont le rêve est appelé folie. La langue du pic vert n’est pas sans rappeler le terrifiant Zombi de Joyce Carol Oates.

On pense aussi au film Birdy, d’Alan Parker, tiré d’un roman de William Wharton où ce rêve se confond avec le réel, la folie. Car quand on aime les oiseaux, on aime les comprendre, les écouter, les observer et parfois même, on aimerait en devenir un, voire on croit qu’on en est un. Et pouvoir voler comme un oiseau a toujours été présent dans l’esprit de l’homme comme pouvoir comprendre et communiquer avec les animaux.

Lisons et envolons-nous
La recherche de l’envol est une constante chez les humains, les inventeurs, les historiens, les biologistes, les ingénieux, les ingénieurs, les artistes et les trapézistes, les parachutistes et les sauteurs, les scénaristes, les écrivains et les poètes, et chez Chantal Dupuy-Dunier, donc.

La plume de l’auteur est comme un bec effilé, elle est comme un pic vert traverse le salon, entre dans notre vie et nos têtes et achèvera quelque part, là où les mots nous mèneront, peut être suivis par d’autres pics verts, les oiseaux s’envolent entre eux et se partagent le monde.

Des pics verts volent dans ce roman et aucun ne se fracasse contre un mur ou un arbre. Chacun fait son trou, ici, dans le papier peint, puis chacun disparaît près de la forêt au point de croix pour réapparaître de l’autre côté du salon, un défilé se joue devant nous.

On a l’impression de lire un spectacle de lanterne magique. Et de vivre la même chose que sylvain, entre ses murs, de pouvoir admirer l’agilité des oiseaux à transpercer le mur sans provoquer la moindre dégradation.

"Écoute, toi deux fois sylvestre, écoute le geste initiatique de notre martèlement. Notre cerveau est invulnérable. Écoute et vois ce qu’aucun humain n’a jamais perçu. Écoute et vois ce qui a fait défaut à ta mère et à ton père. Eux sont du côté de l’arbre. Nous sommes du côté du bec. "

Un livre étonnant, emportant, poétique , délicieux ! Un parfait cadeau de Noël à faire !
La langue du pic vert, 24 août 2021, Editeur La Déviation, 284 pages, ISBN 979-10-96373-37-6

La poétesse Chantal Dupuy-Dunier est l’auteure d’une trentaine d’ouvrages, dont Initiales (éditions Voix d’encre) qui lui a valu le Prix Artaud en 2000. Elle a exercé comme psychologue dans un hôpital psychiatrique de Clermont-Ferrand.

Les oiseaux et le village de Cronce, en Auvergne, sont des thèmes récurrents dans l’œuvre poétique de Chantal Dupuy-Dunier. Elle a publié une trentaine d’ouvrages parmi lesquels Mille grues de papier (Flammarion), Un n’oiseau, des z’oiseaux (Motus), Creusement de Cronce (Voix d’encre), Pluie et neige sur Cronce Miracle (Les Lieux dits).

 https://l.facebook.com/l.php?u=https%3A%2F%2Fportrait-culture-justice.com%2F2021%2F12%2Fportrait-du-jour-chantal-dupuy-dunier-poetesse-francaise.html%3Ffbclid%3DIwAR34TxgBOPgGJgVCgHxBFJZBtelRcmVRLmr4g16aywb4bsoHRCbmdRt8o3Q&h=AT3GQ8H6lrRWV1k5QPSiDtQRrjCNbVDWVBe4xg_Og5NRs_GDcpsVWDFJVimzhSiZjlUt3F_J_5P_dTX6ViAhUF6tHn_3ctDBk5l0Wgd2MwCWIpJaW5eHds1R609Y1D2qKSA&__tn__=%2CmH-y-R&c[0]=AT1Coc1_b_lZ2dNS8Q_eMM-oJvsO4-BQbZe_ahAxuh7t6jpygRQ_Ben76lQby85oxqyEfaqLdpibOBK_CAYlKTeYWz7oObxduTWGz3UfUkmpHfrs_hR1PuQ8DcAcRpewVeiWqVKCIAmquJBIEj7Y6rtIrfEUFhqnKO5eerrqwdqsUZgRoA

 ZAZY LIT :
https://zazymut.over-blog.com/2021/12/chantal-dupuy-dunier-la-langue-du-pic-vert.html

Sylvain est né de la mort. Sa mère est morte en couche. Élevé par son père qui ne s’est jamais totalement remis de la mort de sa femme. D’ailleurs, lorsqu’il lui en parle, il ne dit jamais ta mère, mais ma femme.

Il y a les vacances passées chez l’oncle et la tante, en Auvergne, à Cronce, mais bon, on ne rigole pas. A 46 ans, le père déraille de plus en plus, Alzheimer et doit être placé. Sylvain arrêt ses études pour entrer à l’hôpital, il doit subvenir à ses besoins. Il mènerait une petite vie normale si il n’avais entendu cela.

« Le pic vert enroule sa langue autour de son cerveau pour le protéger contre les trépidations quand il fore les arbres. » Cette phrase prononcée par un guide ornithologique va s’ancrer en Sylvain, faire basculer son destin, sa vie.

Pour commencer, il va à la bibliothèque se renseigner plus avant sur cet oiseau, recopie à la main Le « Clergeau et Chefson » l’apprend par cœur chez lui. Il y fait la connaissance de Stanislav, jeune arménien, venu en France suivre des études de mathématiques . Le jeune homme est porteur d’un bégaiement qu’il pallie avec un langage très châtié et recherché. Ces deux-là deviennent amis, son seul ami.

Un soir, il voit des pics verts passer à travers le salon, sortir d’un mur pour s’enfoncer dans l’autre, sans dégradation aucune. Ces visites se reproduisent quasi tous les soirs très ponctuellement entre vingt-deux et vingt-trois heures.

L’été arrive , le voici de retour à Cronce, mais les pics-verts ne l’ont pas suivis. Il parcourt la campagne et la forêt à la recherche de l’oiseau, de son « Kiakiakiak ». Une fois trouvé, s’accroche à lui, le regarde vivre et l’oiseau semble le reconnaître

Sylvain a toujours un carnet où il note des phrases qui ressemblent fort à de la poésie, même s’il s’en défend

« Long le chemin

qui conduit au bec ».

Il décortique les mots, pour arriver au même rythme que le Kiakiakiak du pic vert, le tout sublimé par le boulier chinois offert par Stanislav« Mar te la ge pic vert », que, moi-même je scandais à voix haute.

L’arrivée d’une amoureuse très entreprenante pour lui le timide et renfermé. Bon garçon, il se pense aussi amoureux. Pourtant la jeune femme ne pourra le sortir de son enfermement tragique.

Un très beau livre poétique, sensible avec une dose fantasmagorique. Une jolie façon de parler de la maladie mentale de Sylvain. Un livre-refuge,

J’ai compris la signification de la couverture à la fin du livre car, jamais un pic-vert ne martèle du fer…. Joli résumé du livre.

Chantal Dupuy-Dunier m’a emportée au fil de ses mots de ses poésies, son lyrisme, ses jeux avec mots « S’appeler Sylvain Breuil n’est pas sans risque. La double étymologie sylvestre - en vieux français breuil signifie bois - recèle bien des dangers. On passe facilement de forêt à foré. Un signe redoublé redoutable. »

Pics vert, pic mar, pic épeiche se posent qui sur le poirier mort, qui dans la pelouse pour mon plus grand plaisir de photographe. Le son le plus mélodieux de pics que j’ai entendu est celui du pic noir que je n’ai qu’entr’aperçu… Je ne les regarderai plus de la même façon.

Merci à Lecteurs.com de m’avoir offert ce livre avec, en prime, la découverte des éditions la déviation que je ne connais pas. Merci pour cette belle découverte.

 ALAIN MASCARO, romancier, sur son mur Facebook :

Chantal Dupuy-Dunier, je l’ai rencontrée pour la première fois au restaurant à Lyon, à la "Rentrée des auteurs Auvergne Rhône-Alpes", presque heureux de découvrir une primo-romancière plus âgée que moi (pardon !). Poétesse reconnue mais confidentielle pour le grand public, comme tous les poètes aujourd’hui, hélas, et qui, septuagénaire, venait d’écrire un premier roman, c’est aussi inattendu que culotté ! Cheveux rouges pour voiler le blanc. Voix douce et lente. Charmante. Nous nous sommes découvert des amis (et des aversions) communs. Le monde est si démesurément petit ! Il se peut même que nous nous soyons déjà croisés il y a bien, bien longtemps, alors qu’à 19 ans je fréquentais les cercles poétiques Clermontois...
"La langue du pic vert"
Il y a tant de choses dans ce titre ! La langue du pic vert, c’est d’abord l’organe, celui dont l’oiseau entoure son cerveau pour ne pas l’endommager quand il perfore les troncs. Mais c’est aussi celle que l’oiseau parle, cette langue étrange. La langue des oiseaux. Au sens alchimique du terme. Qui descend dans la matière sonore des mots pour les agencer autrement. Une poésie presque lettriste, mais qui s’arrête avant en conservant le sens. Savant dosage. Équilibre.
É qui libre.
La langue du pic vert, c’est aussi l’histoire d’un homme qui sombre peu à peu dans une folie qui, de prime abord, peut paraître douce (il voit des pics verts traverser les murs de son appartement) mais qui se mue assez vite en naufrage. Encore que... Mourir, n’est-ce pas en quelque sorte se rendre immortel ?
Le tout est raconté dans une langue claire, sonore, musicale.
Chantal Dupuy-Dunier chante et enchante le réel, à commencer par celui d’un petit coin de Haute-Loire, lequel semble un creuset, un Athanor où s’opère une savante alchimie entre l’intime et la fiction, où les mots s’envolent pour venir frapper l’épaisse écorce du réel, à coups de bec sonores, pour en extraire l’or...

 Etienne Kern, écrivain, sur son mur Facebook :

Étonnant et fascinant roman ! Son héros, Sylvain Breuil, rappelle un peu l’Abel Tiffauges du Roi des Aulnes : où qu’il regarde, il ne voit que des signes. Les dates, les noms, les lieux, tout lui semble chargé d’un sens caché. C’est sa grandeur : il est poète. C’est son malheur : sa folie douce – une fascination pour les pics verts – l’éloigne peu à peu de tout, y compris de l’amour.
Chantal Dupuy-Dunier est poétesse, elle aussi. Cela s’entend. Cela se voit. Dans son roman, les mots disent toujours un peu plus que ce qu’ils disent et, par exemple, des termes comme « grue », « langue » ou « plume » ne se réduisent jamais au sens que leur donne le contexte. Quant au pic vert, il devient, à la faveur d’une série de métaphores, le souvenir de la mère morte, la voix d’un ami bègue ou le martèlement des syllabes dans un vers ; même glissement métaphorique pour un « boulier chinois », tout à la fois objet mathématique (et, dans l’intrigue, trois personnages sont mathématiciens) et image des poèmes qu’écrit Sylvain, ou encore pour cette plume de pic vert reçue en cadeau qui, sans rien perdre de sa présence saisissante, réapparaît symboliquement sous la forme d’un terrifiant scalpel.
« Un livre, quand il est heureux (il peut être heureux et tragique), contient en lui son emblème, son blason, son microcosme. » C’est Christian Bobin qui, il y a quelque temps, me faisait part de cette loi. S’il fallait ne retenir qu’un seul emblème dans ce livre heureux (et tragique) qu’est La langue du pic vert, je choisirais – après beaucoup d’hésitations – le très kitsch cendrier en forme de grenouille qui suscite l’émerveillement amusé de Françoise, la jeune femme si mal aimée par le héros. Cette grenouille-cendrier, le soir de Noël, Sylvain finit par la lui offrir à contrecœur. Françoise, alors, la baptise « Jeanne-Baptiste » (allusion, explicitée dans le texte, à Jean-Baptiste Grenouille, le personnage du Parfum) puis la place… parmi les animaux de la crèche. Tout est là : la littérature, l’incompréhension entre deux êtres, le rapport au sacré (et Dieu sait si l’animal, pour Sylvain, est une figure sacrée) et, bien sûr, puisque cette grenouille n’en est pas une, l’illusion. Ce que nous dit La langue du pic vert, au fond, c’est que ni les livres, ni l’amour, ni le monde ne sont ce qu’ils semblent être.

 DANIEL LESPARRE, naturaliste :

Chantal Dupuy-Dunier, 2021, La langue du pic vert, La Déviation, 280 p.

C’est un livre étonnant, original et inattendu, surprenant même. Un livre qui sort des sentiers battus.

Le récit est empreint d’une très belle sensibilité alliée à une grande humanité. Les faits, sans les jugements, les a priori, les clichés et autres préjugés.

Une histoire servie par un grand sens de l’observation, et, à n’en pas douter, par une riche expérience de la vie.

Et le « Clergeau et Chefson » qui scande l’ouvrage, comme il rythme les pensées intérieures de Sylvain Breuil.

Sylvain Breuil entièrement plongé dans son imaginaire qui le détache toujours plus du réel, de la vie sociale, familiale... puis de la sienne.

Imaginaire poétique peut-être, dramatique sûrement.

L’occasion pour l’auteure de nous présenter une galerie de personnages, certains suivent le cours de la vie comme le ruisseau suit le sien, d’autres magnifiques, pleins de jeunesse et de vie. Et le plus extraordinaire, le plus magnifique, le plus beau, parce que le plus humain, Stanislav. L’Arménien à la solide et indéfectible amitié. L’étranger qui sait accepter sans conditions, sans concession, l’étrangeté de son ami Sylvain.

Bref j’ai beaucoup apprécié.


  • 4e de couv. des "Pics" de Philippe Clergeau et Patrick Chefson (Payot)
  • "Les pics" de Philippe Clergeau et Patrick Chefson (Payot). Couverture
  • Boulier chinois
  • Cronce, carte postale Tissandier
  • Cronce sous la neige
  • Cronce, le monument aux morts et l'église

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