La langue du pic vert, voici un roman que l’on n’est pas près d’oublier à l’issue des 280 pages écrites par Chantal Dupuy-Dunier aux Éditions la déviation, tout comme Sylvain qui, en visitant une Maison de la Ligue pour la Protection des Oiseaux entendit ces mots prononcés par le guide : « Le pic vert enroule sa langue autour de son cerveau pour le protéger contre les trépidations quand il fore les arbres. »
Outre une superbe et très symbolique illustration de couverture, cette phrase ne pouvait, aussi, qu’attirer l’attention de l’auteure qui travailla comme psychologue en hôpital psychiatrique et de fournir un titre particulièrement prégnant à son ouvrage : La langue du pic vert.
Que je vous résume : si cet oiseau fabuleux possède une langue extraordinaire, Sylvain va connaître une destinée tout aussi hors du commun. Il n’a pas connu sa mère, Martine, morte en lui donnant la vie, très lourd « héritage » à porter : « Comment peut-on naître d’une morte ? »
Et puis son père, Julien, qui, à 46 ans, commence à embrouiller ses idées, confondant mardi avec dimanche, oubliant l’endroit du stationnement de son véhicule, se rendant à son boulot alors qu’il n’y est pas attendu, en d’autres mots, c’est la déchéance, encore une situation très lourde à supporter pour Sylvain : « Papa, c’est mon anniversaire. » Papa ne répond rien.
À deux, ils vont sur la tombe de Martine, endroit quasiment inconnu du fils. Il ne connaît pas le chemin qui mène à la sépulture. Julien, oui. Pareil à un automate, il va s’asseoir sur le bord du caveau et, comme un mantra, répète « Il ne faut pas renverser la bruyère ! »
Parallèlement, Sylvain fréquente une bibliothèque, il écrit quelques poèmes, manipule un boulier chinois, ah ! pourquoi cet objet tient-il une certaine place dans le roman ? Tout comme Stanislav, d’ailleurs…
Le jeune homme recherche un emploi, son père étant placé au « Cloître », une institution adaptée à son état, il devient agent de service dans l’hôpital où, justement, Julien travailla.
Il se met à lire des ouvrages consacrés au Râja-yoga, ensuite, comme une suite parfaitement tracée par le Destin, il désire ardemment se promener dans les bois « afin de rencontrer son oiseau totem ».
Alors, cette recherche s’apparente à une quête initiatique qui, vers la fin, fait même, chose rarissime, rire Sylvain aux éclats, « un rire qui ressemble à celui du pic vert ».
L’éditeur de ce roman spécifie que « la poétesse Chantal Dupuy-Dunier manie en virtuose le jeu du langage. Mystérieux et original, son premier roman est dédié à ceux dont le rêve est appelé folie. »
Pour ma part, je termine cette chronique par une citation de Jean Jaurès : « Les progrès de l’humanité se mesurent aux concessions que la folie des sages fait à la sagesse des fous. »