Il faut laisser la porte ouverte

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Il faut laisser la porte ouverte, paru aux éditions Henry en 2013, s’ouvre sur deux citations assemblées ainsi : "Le moi est haïssable" (Pascal), mais
"Je est un autre" (Rimbaud).
Tout le projet de ce livre original se trouve contenu en elles.

D’un côté : une biographie très intimiste, tenue à distance par
la forme adoptée d’un feuilleton poétique où la poétesse devient un personnage nommé « Je ».
De l’autre : la part de la fiction puisque la biographie se poursuit avec des événements qui n’ont pas encore eu lieu.

Treize épisodes issus de l’enfance
ou plus récents, dans lesquels se côtoient
tragédie et humour, bâties autour du thème
de la porte ouverte ou fermée.

Par exemple, le point de départ :

Épisode La Noce  :

"Madame le Maire,
avec une écharpe comme le Président,
mais pour de vrai et avec des jambes :
« La porte doit rester ouverte ! »..."

Nous suivons ici Chantal Dupuy-Dunier dans une écriture un peu différente, davantage prose poétique, dans un récit réel et onirique construit comme un roman.

Les 14 épisodes s’intitulent :

1. Noël et nouvel an
Où l’on apprend l’influence d’un incendie sur la vie de l’héroïne.

2. L’hôpital et l’épicerie
Où "Je" est appelée auprès de son père hospitalisé et se remémore son enfance.

Extraits :

Téléphone.

Le plastique a remplacé l’ébonite.

Ne sonne plus, depuis longtemps,

mais joue de la musique.

Mon père ˗˗˗˗˗˗˗˗˗˗˗˗˗˗˗ à l’hôpital.

˗ Écho, dans l’intervalle ˗

Peut-être grave.

Trop d’hôpitaux,

toute une vie de flammes dans sa tête.

Celle qui rôde.

Les livres me rassurent,

pourtant sont combustibles…

Une infirmière change mon père.

Par la fenêtre, je regarde ailleurs

que son sexe dénudé.

Je regarde le bleu,

le bleu insolite de janvier.

Changer mon père

aussi est insolite.

Qui ˗˗˗˗˗˗˗˗˗˗˗˗˗˗˗˗˗˗ l’enfant ?

Le blanc souillé des couches

comme cette traînée grise sur la colline,

portée par un souffle de vent.

Dehors, les confettis des mimosas

se préparent au carnaval.

Deux tuyaux dans les narines,

bretelles transparentes d’un vaste échangeur

au firmament de la potence,

avec ces petits robinets

tels des nœuds en satin pastel.

Langage mercerisé,

percerisé plutôt.

Morphine,

suc gastrique vert acide, à flots,

qui coule dans un bocal.

Bouillie verbale, pas de dentier.

Écoles : l’heure de la sortie.

Babil, dents de lait.

˗ Sous l’oreiller, pour la souris (petite) ˗

Des bocaux remplis de berlingots

et de violettes.

Plus tard, peut-être, des tuyaux.

La perfusion égrène les secondes,

jaunes ou laiteuses.

Moi, « fille du fada ».

Ceci est ma gloire.

Dans le midi, fada

rime avec la singularité du mistral,

quelque chose comme un air

de fifres et de tambourinaires.

Dans les hôpitaux,

on triture le corps

et le cerveau du corps.

Au fada, ils ont fait des électrochocs.

Moi, j’avais mal à sa tête.

Ces poèmes comme des décharges anciennes.

3. La noce
Où « Je » épouse le Prince Charmant avec lequel elle vivait dans le péché et l’illégalité. Il se prénomme « Tu ».

4. Verts mis aux fenêtres
Où l’on découvre que "Tu" est un ancien taulard !

5. Mai
Où l’on devine que "Tu" et "Je" sont de redoutables nostalgiques de mai 68.

6. La mort de la voisine
Où apparaît un second rôle essentiel et poignant.

7. Les petits "rats" baromètres et une cicatrice
Où il est démontré que l’héroïne a du nez.

8. Le cinquante-huitième été
Où nos deux héros se la coulent douce.

9. "La petite fille aux allumettes"
Où est dévoilé comment "Je" a failli devenir comédienne ou pyromane.

10. Fragments d’une souris en caoutchouc
Où l’on découvre une nouvelle version du roman "Des souris et des hommes".

11. Les griffes
Où s’ébauche un nouveau livre : "Des chats et des filles".

12. Anniversaire
Où a lieu une rencontre importante. "Je" trouve sa voie : elle deviendra poétesse.

13. La valvule entr’ouverte
Où les choses se gâtent dans l’échobiographie de l’héroïne.

14. La crémation
Où il est question d’un autre incendie et comment la boucle est bouclée.

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NOTES DE LECTURE :

"Poésie première", 2013, article de Jacqueline Persini-Panorias.

Article de Jacmo dans "Décharge", mars 2013.

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Et parce que la vie, ce n’est pas que la mort, qu’elle n’est pas que larmes mais aussi joies, petites et grandes, "Il faut laisser la porte ouverte" de Chantal Dupuy-Dunier aux éditions Henry, nous amène sur cette pente-là. Il s’agit d’un feuilleton poétique avec des acteurs et une héroïne pour. En quatorze épisodes, la bobine d’une vie se déroule entre les petits souvenirs d’enfance, l’angoisse des incendies transmise par les générations antérieures, la maladie du père, la mort d’une voisine, les noces, la rencontre avec Yves Di Manno, mai 68, la maladie de l’héroïne, sa mort et l’incendie de sa mort. On lit ce livre comme on regarde une série de courts-métrages et on passe un bon moment entre « rire et larmes mêlés » comme me le dédicace si bien l’auteur.

"Tu ne savais pas quelle musique je voulais,
nous n’en avions jamais parlé.
Ça tombe bien, je ne voulais pas de musique.
Tu l’as senti.
Tu as apporté des poèmes,
et les amis les lisent,
et les enfants aussi,
des poèmes de grands poètes
et quelques-uns de moi, qui aimais à définir :
« La poésie, une langue de haute flamme. »"

Critique de Cécile Guivarch (revue Terre à ciel).



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