Éditions Henry : Jean Le Boël, éditions La Rumeur libre (Andrea Iacovella)
Couverture : Isabelle Clément
Ceux qui les referment sont les mêmes qui les ont ouvertes.
Ce recueil, qui vient de paraître, comporte deux parties :
– I- "PASSE, IMPAIR ET MANQUE"
Extraits :
"Ces mots,
couchés sur le papier dans l’urgence,
comme s’ils pouvaient prendre la place des morceaux
de ton corps qui se délite,
le colmater,
des mots semblables à une chair saine, vivante.
Ta présence est devenue celle,
plus aigüe, des absents.
Les souvenirs possèdent-ils un corps
qui laisse des empreintes
au sol de nos cerveaux ?
Tu voulais être "Là-haut",
avoir, disais-tu, la vue sur la plaine,
sur la ferme familiale.
Mais tu ne vois rien.
Plus de sens.
Tu n’as plus de sens,
tu ne t’appelles même plus "Tu"."
– II- "LAISSE DE MÈRE"
Extraits :
"Tu me délaisses,
je te délaisse.
C’est comme une comptine...
Une comptine pour faire peur
aux enfants méchants.
Je te délaisse,
tu me délaisses.
Petit à petit,
tu te délaisses.
Tu abandonnes ton corps.
Tu t’endors dans tes yeux
pour éprouver l’approche de la mort.
Est venu le temps de Maman est morte...
Comment peux-tu t’effacer,
devenir ce sable broyé
sur le rivage d’une île étrange ?
Laisse de mère,
un peu de silice qui crisse sous les dents de la mémoire."
Un spectacle poésie-musique "PARENTHESES", tiré de ce dernier recueil (éditions Henry/La Rumeur libre) :
a été donné le SAMEDI 2 DECEMBRE 2023, à 14 heures, à la LIBRAIRIE DES VOLCANS de CLERMONT-FERRAND, 80 Bd Mitterrand. Il a rassemblé 45 personnes dans le patio plein pour l’occasion.
Avec, au violoncelle : Lionel Michel, professeur au conservatoire de Clermont, Dominique Mottet, Frédérique Chassaniol, récitantes, conteuses dans l’association "Conte-ci, conte-ça" et moi-même.
Lionel Michel a interprété, entre autres morceaux, un remarquable "Mort à Venise" de Mahler, une première pour un violoncelle seul.
Une recension de Jean-Paul Gavard-Perret :
Chantal Dupuy-Dunier et les disparitions
Chantal Dupuy-Dunier montre comment le langage ne sépare pas du réel mais ramène à lui. S’y rejoint.
Ici les mots désignent des faits et non des fantasmes et ramènent aux séparations du père et de la mère. L’auteure ne cherche pas à les refouler. D’où une écriture singulière attachée au presque innommable. Ce que les écrivains sophistes biaisent, une telle auteure le redresse. Chez elle le sens ne se limite pas au courant d’un fleuve mais s’enrichit de la pression de ses rives. Et l’artiste en montre le plus insondable.
Le comment dire ne cache pas ici comme trop souvent le comment ne pas dire. Et ce par la singularité d’un langage qui dans sa simplicité échappe à tout "discours".